Les coulisses de 123Montessori : Un podcast des Montessouricettes

 Anne-Laure du site des Montessouricettes a eu la gentillesse de me donner la parole dans son podcast pour évoquer l’histoire de la boutique 123Montessori.

Vous pouvez la retrouver en cliquant sur l’image

Anne-Laure : Bienvenue, Christèle. Je suis enchantée de te recevoir dans ce podcast. Tu n’es que la deuxième invitée du podcast, mais ça me tenait à cœur parce que je pense que tu as beaucoup à partager avec nous, puisque tu as un point de vue qui est très central dans la pédagogie Montessori. Tu côtoies beaucoup de formateurs différents, beaucoup de personnes qui pratiquent la pédagogie Montessori dans des environnements différents. Peux-tu te présenter ?

Christèle : Je m’appelle Christèle. Comme tu viens de le dire, j’ai créé la boutique 123Montessori. J’ai 5 enfants et la petite dernière a été élevée avec la pédagogie Montessori à la maison.  Je me disais que je m’ennuierais en faisant l’école à la maison. Donc, j’ai créé la boutique. De fait, je m’ennuie pas ni en faisant l’école à la maison, ni à la boutique !

Quand j’ai commencé à me renseigner sur la pédagogie Montessori, je me suis rendu compte que le matériel doit être extrêmement précis. Ça ne me posait pas vraiment de problème, parce que j’ai fait beaucoup d’encadrement, de bricolage à la maison. J’ai une scie à chantourner. Je suis très manuelle, mais je voulais que ce soit parfait. J’ai commencé à faire mon matériel montessori moi-même en suivant rigoureusement les cotes demandées. Le premier matériel sur lequel je me suis cassé les dents, c’est la troisième boîte de couleurs. Dans cette boite, il y a un nombre incroyable de petites tablettes qui doivent être de la bonne couleur, rangées dans une boîte qui a des dimensions adhoc. J’ai fait ce qu’on ne devrait jamais faire. J’ai mis mon chronomètre et j’ai regardé combien de temps j’avais passé à la faire.

Troisième boite de couleurs

Ce n’était pas une bonne idée, parce que, pour un truc qui s’achète dans les 30 euros en Chine, j’y avais passé un peu plus de 30 heures. Donc ce n’était pas réaliste. Je me suis dit qu’il y avait sûrement d’autres mamans qui voulaient faire elles-mêmes, qui n’avaient pas les mêmes compétences que moi en bricolage. 

3È BOITE DE COULEURS DU MATERIEL MONTESSORI À FAIRE SOI-MEME

A-L : Moi-même j’en suis une. C’est ma maman qui a fait ma boîte du grand alphabet mobile. Je l’ai toujours, mais le travail que ça a représenté, heureusement qu’elle avait un peu de temps à m’accorder.

C : C’est exactement cela, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire pour, non pas vendre le matériel tout fait, mais vendre le matériel pour qu’il soit facilement terminé et que l’on ait la satisfaction de l’avoir fait soi-même, d’avoir bien travaillé, en même temps qu’un objet parfait. C’est dans cet esprit-là que j’ai lancé 123Montessori !

A-L : Je me suis même demandé si ça n’avait pas été inspiré par Ikea, ces matériels Montessori à monter soi-même.

C : C’est amusant, parce qu’un jour, j’en parlais en famille. Une de mes tantes qui me dit :  « Mais ton truc, c’est l’IKEA du Montessori ! » Dans mon esprit ce n’était pas ça, c’était par faire mais surtout terminer soi-même. Je ne pense pas l’avoir formalisé avant que ma tante ne le dise comme ça. ​

 A-L : Mais pour toi, il y avait quand même une raison aussi derrière le fait de vouloir inciter un parent à le faire soi-même. Ce n’est pas juste une raison de satisfaction personnelle. Est-ce qu’il y a aussi un intérêt pédagogique derrière ? 

C : Oui, bien sûr.

Quand on peut faire son matériel soi-même, on l’aime, on le comprend mieux, parce qu’il y a des choses logiques dans le matériel.

Par exemple, l’assemblage des perles. C’est vrai que c’est long, mais ça donne la cohérence des choses. Par exemple, quand on assemble un cube de mille, on va mettre réellement mille perles. Ces barrettes de 10 qu’on assemble par 10, et puis ensuite, les 10 plaques qu’on assemble ensemble, c’est logique. Je suis persuadée que c’est mieux acquis quand on l’a fait soi-même que quand on l’achète tout prêt et que à la limite, on ne sait pas comment ça a été fait.

A-L : C’est aussi une des raisons. Dans mes formations, je fais toujours des vidéos de présentation. Je montre comment on présente le matériel et je prends toujours un autre temps, une autre vidéo pour expliquer pourquoi on fait les choses comme ça et d’où viennent, par exemple, les couleurs du matériel. Pourquoi ça fait telle taille, pourquoi le matériel est conçu comme ça. Mon mari m’a fait des boucles d’oreilles avec les barres rouges et bleues Montessori. Si jamais un jour tu veux lancer une collection de bijoux Montessori, moi j’achète, pas de soucis. Il m’a fait la tour rose aussi, avec cinq cubes seulement, ce n’est pas très montessorien, mais ça suffit pour les boucles d’oreilles.

Mais ce qui est compliqué, c’est qu’aujourd’hui, sur Internet ou même dans les catalogues qu’on reçoit dans nos boîtes aux lettres, on voit passer beaucoup de publicités pour du matériel soi-disant Montessori.

Il y a souvent des vendeurs qui font passer des jouets ou du matériel pédagogique, mais issu d’autres pédagogies, pour du matériel Montessori.

Par exemple, ces dernières années, au moment de Noël, j’ai régulièrement dénoncé la façon dont Lidl, dans ses catalogues, présentait des jouets comme des jouets Montessori, alors qu’ils étaient inspirés des sunblocks, par exemple, ou de l’arc-en-ciel de Grimms. Des jouets qui sont tout à fait intéressants mais ne sont pas du matériel Montessori. Alors, d’après toi, sur quels critères on peut s’appuyer pour reconnaître du matériel Montessori ?

Quand est-ce qu’on peut parler d’un matériel Montessori ?

C : Pour moi, le matériel Montessori, c’est le matériel qui fait partie de la pédagogie Montessori. Aller plus loin, c’est gênant. Maria Montessori avait décidé ce qui allait avec sa méthode. 

A-L : Il y a des choses qui ont dû évoluer quand même, parce que l’AMI continue aussi à proposer du matériel.

C : Ils ont un énorme catalogue, mais avec des choses en diffusion qui ne sont pas forcément Montessori. Dans ma boutique, je vends des réglettes cuisenaire. Je dis que c’est des réglettes cuisenaire. Je ne dis pas que c’est du matériel de Montessori. Parce qu’il y a des écoles qui aiment bien utiliser ce matériel-là. On ne se souvient pas exactement de ce qu’on a utilisé quand on était enfant. Je me rappelle très bien avoir travaillé avec les cubes de Lubienska de Laval. C’est des cubes en bois qui font un centimètre de côté, qui sont assemblés par 10, par 100 et en cubes, et je me rappelle très bien du geste « allez 10 et on passe, allez 10 et on passe, allez 10 et on passe ».

Réglettes cuisenaires striées pour les compléments à…

 A-L : En fait, c’est comme les règlettes Cuisenaire, mais en bois naturel. 

C : C’est ce que Lubienska de Laval a fait pour remplacer les perles, les plaques et les cubes. J’aime ce matériel parce qu’il fait référence à des choses que j’ai inscrites en moi.

A-L : Et puis il a ses qualités aussi, par exemple le toucher du bois. C’est agréable. Et c’est plus facile à manipuler sous forme de cube que sous forme de perles, qui ont tendance à rouler. On a plus de mal à les disposer.

C : Et la petite queue des perles, elle n’y est pas. Quand on a mis 10 cubes et qu’on met la barrette derrière, ça fait strictement la même mesure. C’est ça dont je me souvenais dans mon fort intérieur.

A-L : Pourtant, il me semble que Maria Montessori avait été comment dire ? Très décourageante sur l’intérêt de ce matériel. Elle refusait que ce matériel soit associé à son nom.

C : Pour elle, il fallait que dans le cube, on puisse voir et expérimenter les 1000 perles. Après, je ne suis pas spécialiste d’Hélène Lubienska de Laval. J’ai entendu dire que elle s’était vraiment disputée avec Maria Montessori. Est-ce que si elles ne s’étaient pas disputées, si certaines querelles d’égo n’avaient pas eu lieu, que ce serait-il passé ? 

A-L : C’est vrai qu’il y a plein de matériels pédagogiques qui sont intéressants, mais il faut rendre à César ce qui lui appartient. Je pense qu’il est en évolution aussi, ce matériel Montessori, par exemple les puzzles des biomes, que tu vends d’ailleurs sur 123 Montessori. Pour moi, ils sont bien plus tardifs, ils datent de bien après la mort de Maria Montessori.

BIÔMES À PEINDRE SOI-MÊME

C : C’est une éducatrice qui m’a demandé de les faire. J’avoue que je ne les ai pas vus en formation. Du coup je ne peux pas bien en parler. On m’avait dit « il faut faire comme ça, comme ça, comme ça », j’ai obéi. Donc je peux difficilement avoir un avis autre que technique.

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A-L : Oui, les biomes. Je trouve que c’est un matériel qui est tout à fait intéressant, qui est dans le prolongement du travail des puzzles de géographie qui représentent les frontières politiques. Là, on vient réunir la botanique, la zoologie, la géographie physique, et il est complètement dans la continuité de la pédagogie Montessori. Alors que les sunblocks, par exemple, sont très intéressants, mais ils ne sont pas dans cette même cohérence. C’est un autre outil pédagogique. C’est très bien qu’il y ait toute cette variété de réflexions, de matériel pédagogique aussi. On entend parfois certains montessoriens dire « Non, mais le plus important dans la pédagogie Montessori, ça n’est pas le matériel, c’est la posture de l’éducateur ». Je voulais avoir ton avis là-dessus

Peut-on mettre en œuvre la pédagogie Montessori sans matériel ?

C : Je pense que la posture de l’éducateur, elle, est fondamentale. Est-ce qu’on peut faire la pédagogie Montessori sans matériel ? Je n’irai pas jusque là, parce que je pense que le matériel a été super bien réfléchi, est abouti. Mais sans la posture de l’éducateur, on ne peut rien faire.

Bien plus, on peut avoir plein de matériel super bien dans la classe ou à la maison, si on n’a pas la posture de l’éducateur, ça ne sert à rien.

C’est plutôt dans ce sens là. Après, ça dépend, si on parle maison, dans le cadre de la maison, si on est juste en tant que parent, on n’a pas besoin de tellement de matériel. Moi, en tant que parent qui fait l’école, je pense qu’on a besoin de matériel. En tant qu’éducateur ou enseignant, si on dit qu’on fait de la pédagogie Montessori, il faudra du matériel. Mais la posture d’éducateur, elle est pour tout le monde dès le départ.

A-L : Peut-être aussi qu’on a cette notion de matériel comme étant quelque chose qu’on devrait acheter, qui devrait être produit d’une façon particulière, alors qu’un vase et trois fleurs cueillies dans le jardin, c’est un matériel. C’est une activité Montessori. Un vase sur un plateau, une petite éponge pour nettoyer les feuilles des plantes d’intérieur, ce n’est pas un matériel spécifique à la pédagogie Montessori. On peut le trouver dans n’importe quel supermarché ou magasin, mais c’est un matériel quand même. C’est quelque chose de sensoriel, d’ancré dans le réel.

C : Tout à fait, comme étendre le linge avec des pinces à linge. Là, on est plus dans le cadre de la maison.

En tant que parent, à la maison, si on a la bonne posture, nos enfants peuvent grandir avec une posture Montessori, même si on n’a pas de matériel.

A-L : Ce que je veux dire, c’est qu’en fait, on a chez soi du matériel Montessori que l’on peut faire soi-même. C’est juste parce qu’on ne l’achète pas quelque part. Il n’était pas destiné spécialement à faire du Montessori. Peut-être qu’on a pris une éponge et puis qu’on l’a coupée en quatre pour faire des petites éponges plus petites. Ça y est, c’est une éponge Montessori. Elle est à la taille de l’enfant.

C : Tout ce qui est avant le fameux âge 3-6 ans, c’est un peu différent de ce qu’on peut trouver dans une ambiance, dans une classe de 3-6 ans. Ça a sa place à la maison.

A-L : Et puis, dès qu’on cherche à transmettre ou à faire découvrir par l’enfant des notions plus académiques, on les fait passer par le matériel Montessori spécifique, comme les perles dorées dont on parlait tout à l’heure, le cube de mille, etc. Alors que le faire par l’abstraction, ce serait contradictoire avec la pédagogie Montessori.

C : C’est peut-être ça, la nuance qui va faire qu’on est dans le matériel nécessaire. Je crois que c’est ce que tu viens de dire. Une notion qui peut devenir abstraite et que nous on fait passer, en tant qu’éducateurs Montessori, par le concret, par la main. 

A-L : Revenons à ta boutique. Quand tu l’as ouverte, il y avait forcément beaucoup de choix à faire.

Comme en particulier des choix éthiques, le choix de tes fournisseurs, le choix des matériaux… Sur quels critères est-ce que tu t’es appuyée et avec qui est-ce que tu travailles aujourd’hui pour proposer ces matériels ? 

C : Avant 123Montessori, une de mes amies m’avait parlé de l’écriture d’abord, la lecture ensuite, un concept qui m’a beaucoup parlé. Cette amie avait été formée au CFP Père Faure avec Hélène Lubienska de Laval. Du coup, quand mes grands étaient petits, je leur ai présenté le matériel de Lubienska de Laval pour la lecture. J’avais les lettres, mais les lettres, chez Lubienska de Laval, il y a un fond bleu et un fond jaune.

A-L : Je me permets peut-être de clarifier pour les personnes qui nous écouteront et qui ne connaissent pas, Hélène Lubienska de Laval, c’était une élève de Maria Montessori au départ. Elle a beaucoup travaillé avec elle, le père Faure aussi. Ils ont transposé la pédagogie Montessori pour l’apprentissage du français, puisque évidemment la pédagogie Montessori était en italien. Donc, eux, ils ont importé ça en France, je pense qu’on peut le dire. Hélène Lubienska a permis l’organisation de conférences et de formations Montessori en France. Et puis, il y a eu une dispute entre Hélène Lubienska et Maria Montessori. À un moment, elles se sont éloignées et le père Faure a créé aussi son propre centre, qui a eu une postérité assez importante dans les écoles françaises, même si c’est moins le cas aujourd’hui. ​

C : Le CFP n’existe plus en tant que tel, mais il y a encore des enseignants qui ont eu cette formation-là. Il faut bien comprendre que quand l’État a décidé d’ouvrir des classes à partir de 3 ans, mais il fallait bien leur fournir un programme. Montessori était le seul à fournir quelque chose. Le père Faure avec Hélène Lubienska de Laval, avaient le pack pour aider à ouvrir ces classes. C’est pour ça que dans les jeunes de ma génération il y en a beaucoup qui sont passés par ce genre d’école. 

Pour mes aînés, j’ai utilisé cette méthode, les lettres jaunes et bleues. Je leur ai appris à lire avant de rentrer à l’école, parce que je trouvais que la façon dont c’était fait à l’école n’était pas cohérente. Mon frère, qui est très dyslexique, n’avait pas profité de cette méthode et j’ai vu les dégâts que ça a donné sur lui. Du coup, j’étais très motivée pour apprendre à lire à mes enfants.

En grandissant avec eux j’ai vu que c’était très bien d’aider pour la lecture, mais que les maths, ce n’était pas du tout concret non plus. J’ai donc retrouvé avec cette méthode les compléments à 10, etc. Parce que je me souvenais de mon apprentissage à moi. C’est pour ça que, quand ma petite dernière a eu l’âge d’aller à l’école, j’ai sauté le pas.

A-L : Tu n’as pas fait l’école à la maison pour tous les autres ?

C : On a eu quatre enfants en six ans, et puis la petite dernière, elle a neuf ans de moins que le dernier, donc j’avais plus de temps. Je me suis dit que je préférais prendre le risque plutôt que de râler après la maîtresse. Si ça ne marche pas, ce sera que ma faute. J’aimais mieux ne pas engager ma fille dans des conflits de loyauté. Je me rappelle avoir été voir une fois une directrice en disant « Il y a un petit problème avec la dictée. Mon fils, il a des mots de dictée : dort, fleurs… Je pense que c’est Benoît qui a mal écrit son travail. Il a oublié d’écrire le ‘il’ devant dort et le ‘les’ devant fleurs. » Je savais bien que ce n’était pas le cas, mais ces incohérences-là, je n’en pouvais plus. Je me suis dit que pour la dernière, j’avais le temps. J’allais faire en sorte de ne pas la mettre en face d’incohérences éducatives. Il y en aura toujours, mais au moins, c’est moi qui en assumerai la responsabilité.

Quand mon petit dernier était rentré à l’école, je m’étais demandé si je n’allais pas faire la formation de l’AMI. Mais ça dure un an, et c’est loin. 

A ce moment-là, j’ai une amie qui me « Je me suis formée à la pédagogie Montessori. » Et c’était des modules d’une semaine. J’ai donc fait cette formation et ça m’a énormément appris. C’est une formation courte, ce n’est pas tout le combo Montessori qu’on peut avoir à l’AMI, mais c’est un bon début. Je me suis rendu compte que mon intuition de fabriquer soi-même mon matériel, d’autres le portaient. Et cet organisme, Papachapito, ils insistaient beaucoup pour qu’on fabrique soi-même notre matériel.

J’ai aussi suivi plein d’autres formateurs. Il y a des gens qui sont controversés. J’ai fait mon chemin. J’ai beaucoup appris. Ça m’a apporté en tant qu’éducateur, et ça m’a fait grandir. Je ne regrette pas du tout ces formations. En ce qui concerne le matériel, faire son matériel, c’est top. Mais c’est difficile d’arriver à un résultat parfait. Comment faire ? Dans un premier temps, j’avais commencé par les lettres mobiles, celles que j’avais utilisées avec mes enfants. J’ai redessiné la police d’écriture et je les ai faites sur fond blanc, en rouge et bleu.

A-L : Pour l’alphabet mobile, le grand alphabet mobile.

C : Pour le petit alphabet mobile. Et j’ai fait le casier. J’ai cherché des fournisseurs et je voulais que ce soit fabriqué en France. Le premier fournisseur qui m’a fait le casier, c’était un artisan. Il travaillait, c’était une merveille, dans le Jura. En revanche, quand on lance ce genre de choses, il faut avoir des grandes séries. Donc, il faut commander 100 exemplaires. C’est cher.

casier lettres mobiles

LETTRES alphabet MOBILES POUR MONTESSORI à faire soi-même

A-L : Donc, on est obligés de proposer peu de modèles différents. 

C : C’était dommage. Alors, j’ai essayé de voir comment se passait l’achat de matériel en Chine. J’ai fait une commande en Chine. C’était rocambolesque. J’ai reçu la commande. Je crois que j’ai dû la passer au mois de juin. Je l’ai reçue fin septembre. ​

A-L : Et pourtant c’était bien avant le Covid ?

C : Oui, en 2013. Il a fallu aller montrer patte de blanche à la douane. J’ai été étiqueter tout le matériel dans les douanes. Et j’ai commencé à vendre parce que je voulais proposer quand même une bonne partie de la gamme. Arrive le moment où, forcément, il y a des erreurs de fabrication. C’est là que je me suis rendue compte qu’on ne parle pas le même langage avec les chinois. C’était le mois de décembre. J’envoie un message en disant : « J’ai des problèmes avec tel et tel matériel ». « Pas de problème, dans la prochaine commande, on fera des échanges, ne vous inquiétez pas, on réparera ça. » Très bien. Je prépare ma liste pour faire une deuxième commande. Je l’envoie par mail. Mon interlocuteur s’appelait Paul. Paul écrivait très bien anglais, donc, on communiquait en anglais.

Je reçois une réponse de Paul, mais dans un anglais, incompréhensible, du chinois ! Je savais qu’il y avait un bon délai entre la commande et la réception. C’était dommage. Mais plus de communication avec Paul.

N’ayant pas de réponse, ou alors très parcellaire, avec le nouveau Paul, j’avais essayé de trouver une autre manière de travailler. Une amie faisait de la déco avec des dessins très précis, très jolis, et elle les peignait. D’habitude elle coupait à la scie à chantourner. On avait fait beaucoup de bricolage ensemble. Elle me parle de la découpe au laser. Le dessin, c’est le sien, la découpe, c’est le découpeur laser. Et après, elle peint et elle vend. Elle vendait même au château de Versailles, je crois. Tout de suite, j’ai pensé au cabinet de géométrie et aux formes à dessin. 

Pendant les silences de Paul, je demande un devis à ce fournisseur. Quand j’ai vu le prix, j’ai compris que je pouvais le faire en France. Là-dessus, mon ami Paul revient un mois plus tard, me parlant parfaitement l’anglais, et me dit « Est-ce que vous faites la commande ? » Entre temps, j’avais compris que c’était le nouvel an chinois. Il avait pris un mois de vacances, mais sans me le dire, et donc il était remplacé par un second qui n’avait pas la main.

Je ne pouvais pas travailler dans des conditions pareilles. Moi, j’ai besoin de parler avec quelqu’un qui va me répondre, il me faut un suivi. C’est à ce moment-là que je n’ai plus donné suite à Paul.

J’avais aussi trouvé un fournisseur qui me faisait des tours roses et des escaliers marrons tout près de chez moi.

A-L : Parce que ça, ce n’est pas un travail de découpe, c’est un travail de menuiserie.

C : C’est quelqu’un avec qui j’ai beaucoup aimé travailler. Lui, il faisait des rambardes d’escalier, vous savez des trucs tournés, mais c’était vraiment quelqu’un de sympa qui travaillait avec son père. C’était son père qui fabriquait les tour roses et qui venait les apporter. Ce que je n’avais pas réalisé, c’est que la tour rose, c’est un matériel extrêmement minutieux à faire. Pour chaque cube, il faut que toutes les faces soient parfaitement identiques. Et quand on tourne, que ce soit la même dimension, parce que si on veut le mettre en face de l’escalier marron, quand on tourne, il faut que ça continue de faire lisse sur le dessus.

A-L : Oui, absolument. Et puis, le bois joue. Le bois est un matériau vivant, il joue.

C : Nous, on la faisait en hêtre parce que le hêtre, c’est un matériau dur, lourd. Il faut que ce qui est gros soit lourd. Parce que ce que l’œil voit, il faut que la main le sente.

Quand on achète une tour rose hyper légère, le travail n’est pas le même, ni le résultat ! 

A-L : Oui, on le fait souvent. Quand on achète des tours roses hyper légères, on ne se rend pas compte qu’on a la moitié du travail.

C : Eh bien, c’est dommage, en fait, oui.

Et nos amis chinois, je n’avais pas réalisé qu’en fait leurs tours sont parfaitement de bonne taille, parce qu’ils doivent les calibrer par cent, mille, je ne sais pas, et ils les plâtrent. Donc, ils cachent. Alors que moi, je vends du brut, donc je ne cache rien. La tour rose en plâtre, elle est parfaitement à la bonne taille, et puis, en tournant, ça reste parfaitement à la bonne taille. Mais, c’est moins lourd, parce que, forcément, même si vous prenez une tour en hêtre (et toutes les tours roses ne sont pas forcément en hêtre), si elle est peinte, autant dire que c’est pas tout à fait du hêtre. En plus, quand elle va tomber, une fois, il y aura un blanc qui va apparaître à la place du choc. J’ai donc arrêté très rapidement de faire l’escalier marron, parce qu’il n’était pas compatible avec la tour.

Alors, j’ai changé de fournisseur et je suis allé chez un plus quelqu’un d’un peu plus industriel et qui respectait beaucoup facilement les cotes. Il faisait vraiment ça au 100e. Mais il fallait de grosses quantités et je n’avais pas assez de quantités pour que le prix soit intéressant. Ça me faisait aussi un très gros stock à la maison.

Je voulais faire la boîte pour ranger les perles du serpent. Le monsieur qui travaille si bien m’aurait demandé d’en faire 100 ou 150 à la fois. Mais pour assembler les boites, il y a des crénelures, je pouvais les faire en découpe laser à plat.


C’était sympa, parce qu’on a toujours travaillé ensemble avec mon mari. Mon mari a une agence de communication J’étais son petit œil qui relit les documents, c’est-à-dire que je traquais les fautes d’orthographe.

Le logiciel qu’il utilise pour faire ses documents imprimés, on peut l’utiliser aussi pour dessiner des modèles à plat. Avant, c’était moi qui travaillais pour lui, et depuis Montessori, c’est quand même beaucoup lui qui travaille pour moi, et on travaille toujours ensemble. 

A-L : Alors c’est la geek qui parle en moi. Comment s’appelle le logiciel ? 

C : C’est InDesign. 

A-L : Ah, d’accord. Je trouve ça amusant parce que moi-même c’est peut-être vers 2014-2015,  je faisais l’école à la maison et quand ma maman ne pouvait pas fabriquer du matériel, je me débrouillais toute seule. Et j’avais découvert les Fab Labs à cette époque-là, des endroits où on peut trouver toutes sortes de machines et les utiliser pour une cotisation modique. Dans les Fab Labs, la première chose qu’on nous dit en arrivant, c’est que tout le monde est attiré par les imprimantes 3D. A l’usage, c’est les découpeuses laser qui offrent le plus de possibilités. A l’époque, j’avais prévu de découper moi-même le cabinet de géométrie aussi, au moins les formes, en utilisant Inkscape, et en fait, je n’ai pas eu le courage. C’était tellement de travail. Donc, j’admire beaucoup tout le travail que vous avez fait tous les deux en couple.

C : Il connaissait déjà le logiciel. Clément est extrêmement rigoureux et précis. Là, on travaille avec des traits de 0,001 mm pour la découpe. Les matériels, ils tombent super bien. Et on a dessiné la troisième boîte de couleurs en bois. Avec ça, on a besoin de beaucoup moins de 30 heures pour arriver à un beau résultat.

A-L : Est-ce que tu dois aussi trouver un fournisseur pour le bois ? 

C : Pour tout ce qui est découpe laser, c’est le découpeur qui me fournit tout. Il y a aussi le monsieur qui m’a fait les casiers. Et puis, le tourneur. Le tourneur, c’est celui qui fait toutes les pièces rondes.

Il m’a dessiné les petits boutons de préhension. Il n’est pas très loin d’ici, en Haute-Loire. Quand on y va, il a des copeaux dans les cheveux. On est chez un vrai professionnel. J’aime beaucoup ça. 

J’étais allée voir les meilleurs ouvriers de France à Saint-Étienne, pour leur demander s’ils pensaient que c’était faisable, les emboîtements cylindriques, en leur montrant ce que c’était qu’un emboîtement cylindrique, et ils m’ont dit c’est extrêmement compliqué.

Là-haut, en Haute-Loire, il m’a qu’il voulait bien essayer. Mais il me demande des quantités assez impressionnantes. C’est un travail très minutieux que personne d’autre n’a voulu faire dans tous ceux que j’ai contactés. 

Emboitements cylindriques Montessori en hêtre fabriqués en France

Il m’a fait aussi des cubes pour le matériel pour la banque, et des cubes en bois, et je n’en ai plus. Et en fait, ces cubes, ça revient extrêmement cher. Donc, je crois que je vais être obligée de passer à un modèle creux, qu’on découpera à-plat, parce que, je ne vends plus du tout la banque. Je suis allée faire un petit tour chez mes concurrents qui travaillent avec la Chine et j’ai vu leur tarif.

Moi, je suis pas du tout compétitive avec ça.

A-L : Et faire un cube, c’est difficile, c’est étonnant, on se dit pourtant un cube. C’est l’une des formes les plus basiques.

C : Oui, c’est une forme basique, c’est triste de devoir abandonner un produit. Ma foi, c’est comme ça, il y a des choses qu’on arrive à suivre et d’autres pas. L’avantage avec le découpeur laser, c’est qu’il fait à la pièce. Il ne demande pas plus cher pour en faire une ou pour en faire 50.

Ça me permet d’avoir une large gamme. 

Au fur et à mesure de mes formations, j’ai agrandi la gamme, sauf les choses qu’on m’a demandé de rajouter comme nous disions tout à l’heure.

Au fur et à mesure, j’ai fabriqué le matériel pour permettre aux personnes de le faire soi-même et pour être sûre qu’il soit en cohérence. À chaque fois, je prenais bien les indications de mes formateurs pour que ce soient les bonnes mesures.

A-L : Je sais que tu as une posture très ouverte parce que tu t’es formée auprès de différents formateurs.

A-L : Je sais que, d’ailleurs, tu proposes même parfois différentes options pour un même matériel, Par exemple les boîtes de grammaire. C’est toujours une pomme de discorde dans le milieu Montessori. Est-ce que tu peux nous nous en parler un petit peu, de ces boîtes de grammaire ?

C : Avant même les boîtes de grammaire, il y a les symboles, parce qu’à la Source, il y a une inversion : le bleu ciel, c’est l’adjectif et le déterminant est en bleu marine, alors que pour tous les autres, le bleu ciel, c’est pour le déterminant et l’adjectif est en bleu marine. Alors, j’ai fait les deux, comme ça, chacun trouve ce qu’il cherche. 

En ce qui concerne les boîtes de grammaire, j’ai été formée sur les couleurs de l’AMI, et ma dernière formatrice, elle gardait les couleurs des symboles de la grammaire.
Concrètement, avec une fille dyslexique, dysorthographique, dysgraphique, j’ai trouvé plus simple de rester dans les mêmes couleurs. Et je fais beaucoup de soutien scolaire, et quand on a des enfants qui sont issus de l’école, qui n’ont jamais vu ces histoires de couleurs, ils s’en fichent complètement. Donc, il faut appeler les choses par leur nom. Du coup, chez moi, si vous voulez les couleurs de l’AMI, vous avez les couleurs de l’AMI. Si vous préférez rester avec les couleurs de la grammaire, vous pouvez rester avec les couleurs de la grammaire.

A-L : Voilà, et c’est vrai que ça impose un tri entre les couleurs qui ont une symbolique, qui ont un sens particulier. Par exemple, j’ai les restes d’un webinaire à côté de moi. Pour le nom, on a la pyramide noire. Le noir, c’est la couleur du charbon. Maria Montessori l’avait choisie pour montrer l’ancienneté du nom. Ma pyramide est un tétraèdre. C’est une erreur, mais c’est ce que j’ai. La boule rouge, c’est le verbe, comme le feu qui bouge. Ces couleurs-là, elles ont de l’importance, c’est vrai, que le bleu clair ou le bleu foncé, en revanche, ça n’a pas de sens.

C : Je crois que le noir et le rouge ne bougent pas. C’est la conjonction, la préposition et le pronom, les natures de mots sont juste inversées deux par deux. Oui, bon voilà, je ne sais plus quels étaient les arguments de ma première formatrice. 

A-L : C’est un débat, je sais que dans les échanges entre formateurs sont loin d’être finis. Mais en même temps, tu as cette ouverture d’esprit de dire : quand les arguments s’entendent des deux côtés, je propose les deux options.

 En même temps, à certains moments, il y a des choses qu’on t’a demandées, je crois, et que tu as refusé de produire ?

C : Le grand alphabet. J’ai mis longtemps à le proposer. C’est un matériel que je trouvais compliqué. Il m’a été montré en formation, avec des lettres très grandes. Ma fille avait des problèmes de poursuites oculaires. Quand elle écrivait avec ce grand alphabet, la lecture ne venait pas du tout, parce que son œil était sans cesse ramené au départ.

Rapidement, une amie m’a dit de passer au petit alphabet. Quand on est passées au petit alphabet, la lecture est venue tout de suite, comme par magie. Ce grand alphabet était, à mon sens, un peu grand avec un interligne de 5 ou 6 centimètres. Le mien, il est moins grand, 4,5 cm. Il y a le fait que les lettres se lient ou pas ?

A-L : Oui, boucles ou pas ? 

C : Des œilletons, pas d’œilletons. À ce moment-là, j’ai suivi le geste d’écriture, le livre qu’a écrit Danièle Dumont. J’ai trouvé que c’était très cohérent, ce livre-là. J’ai contacté Danièle Dumont mais elle n’avait pas de police d’écriture. Et j’ai trouvé quelqu’un qui dessinait des polices. Je lui ai demandé de dessiner mon alphabet en utilisant toutes les préconisations du geste d’écriture, les boucles, les œilletons…

J’ai demandé à une de mes formatrices, Marie Hélène Barbier, de vérifier si cette police correspondait bien pour faire le grand alphabet. Cette police, on l’a appelée 123Montessori, c’est celle que j’utilise pour mes documents. Aujourd’hui, elle est en accès libre sur Internet, c’est Belle Allure. 

Grand alphabet Montessori fabriqué en France

J’ai fait mon grand alphabet avec ça. Je disais que c’était selon les préconisations de Danièle Dumont, et elle m’a appelée en me grondant d’utiliser sa police. Je ne savais même pas qu’elle avait fait une police d’écriture. Du coup, j’ai enlevé toute référence, même dans le texte qui explique comment j’ai formé les lettres, parce qu’elle voulait un copyright.

Mais moi, j’ai pas les moyens de verser une commission sur chaque alphabet.

Avec Marie-Hélène Barbier, on a dessiné aussi les digrammes. Avec le graphisme comme il faut, tout à fait fluide, comme le demande le geste d’écriture. 

A-L : Mais tu disais qu’il y a un matériel que tu n’as pas accepté de produire. Un alphabet mobile que tu n’as pas voulu faire.

C : On m’a demandé de faire le grand alphabet, mais cette fois en capitales d’imprimerie. Là, je suis un peu gênée par rapport à ce grand alphabet. J’ai suivi une petite formation sur le geste de l’écriture. Je ne peux pas me résoudre à faire quelque chose que je ne comprends pas. Il y a des choses qu’on m’a demandées et que je comprends, mais cet alphabet-là, je ne peux pas. Donc, je ne fais pas le grand alphabet en capitale d’imprimerie.

Ce serait peut-être une bonne idée commercialement parlant, mais je ne suis pas commerciale. Comme je dis souvent, je ne vends pas des petits pois. Quand je fais un matériel il y a une raison derrière.

A-L : J’imagine que cette demande devait venir d’un enseignant. Le programme scolaire fait travailler, malheureusement, l’écriture en capitale d’imprimerie avant de travailler l’écriture cursive. Le geste d’écriture, ça a moins de sens sur les capitales d’imprimerie. Mais tu as travaillé avec beaucoup de gens. Tu citais Marie-Hélène Barbier. Je sais que tu as aussi effectué un énorme travail pour réaliser la frise de la vie Montessori.

Je l’ai, je la trouve formidable. Elle est indestructible. Mais je suis curieuse d’en savoir un peu plus. Comment est-ce que tu as fait, comment est-ce que tu as travaillé, et pourquoi ça a représenté un tel travail, parce que j’imagine que les gens ne s’imaginent pas les raisons d’un tel travail.

C : Il y a une frise de la vie qui est distribuée par l’AMI et dessinée par Benoit Dubuc.

C’est un modèle que je ne voulais pas copier puisque c’est le sien. La frise de la vie, c’est un matériel avec lequel on a vraiment envie de travailler. Donc, je voulais la faire. C’est un très gros travail parce que les illustrations, il en faut beaucoup. Il se trouve qu’on n’a pas beaucoup de photos des animaux préhistoriques.

On aurait pu mettre des photos de restes de fossiles, mais ça ne permettait pas de se rendre compte de l’ensemble. J’ai beaucoup travaillé avec Marie-Hélène Barbier sur ce projet là. La frise de l’AMI, elle ne respecte pas les couleurs de la classification internationale. Je voulais que ce soit cohérent avec ce qui est utilisé d’une manière pas forcément Montessori.

FRISE DES LIGNES DE VIE, FRISE DU TEMPS MONTESSORI- à faire soi-même

A-L : Alors que Maria Montessori, c’est dans les années 50 qu’elle a pensé ce matériel, il n’y avait sans doute pas encore cette nomenclature.

C : De fait, en fonction des découvertes géologiques, on découvre des nouvelles choses, et c’est très bien. C’est un matériel qui est en évolution. C’est normal.

Il faut le mettre à jour régulièrement, voilà. Pas tous les ans mais régulièrement quand même. 

A-L : Marie-Hélène Barbier elle est formatrice sur Lyon.

C : Dans mes contacts, j’ai aussi Juliette Dangeon-Vallon, qui, elle, s’occupe plutôt de public Montessori en Haute-Savoie, et je trouvais qu’elles avaient toutes les deux un point de vue à apporter. Et pour les illustrations, j’ai eu la grande chance de travailler avec le fils de Géraldine Maisonneuve du blog Montessori et Cie.

Lui, il a fait des études de biologie. Il m’a fait tous les dessins. Ce qui fait que c’est très cohérent et très beau !

A-L : Il ne faut pas juste des compétences de dessinateur, c’est du dessin scientifique. 

C : Avec Hugo, c’était chouette parce que sa maman elle est quand même très montessorienne, et donc il est scientifique avec un bon coup de griffe. C’est grâce à lui qu’elle est si belle, cette frise.

A-L : C’est beau comme ça, quand des Montessoriens se regroupent, même s’ils ne sont pas du tout dans le même coin, et ensemble coopèrent.

C : On fait avancer les choses.

A-L : Il y a beaucoup de matériels qui ont un sens particulier. Est-ce qu’il y a un matériel sur lequel tu voudrais revenir pour nous expliquer pourquoi il est comme il est, pourquoi il a telle caractéristique ? Tu nous as parlé du poids, tout à l’heure, de la tour rose, qu’il fallait un bois qui soit très dense, comme le hêtre, pour qu’on sente le poids.

Est-ce qu’il y a un autre matériel où tu voudrais nous donner cet exemple, de nous dire pourquoi il est fait comme ça et pas autrement ?

C : Je pourrais peut-être vous parler du damier, le damier de la multiplication.

Le damier a des cases rouges, vertes, bleues. Avec, on fait des multiplications avec les barrettes de perles. J’ai choisi de faire le damier avec des grandes cases, pour que la barrette de neuf perles tienne entièrement dans la case et recouvertes de feutrine. Ce n’est pas moi qui l’ai inventé, à la Source, elle faisait ça aussi. Les cases recouvertes de feutrine, ça permet que les perles ne glissent pas trop avec des mains mal habiles.

Parce que le damier, c’est un matériel qu’on peut commencer alors que l’enfant est encore en maternelle, en grande section certes, mais c’est un matériel de maternelle. Et si le bois est parfaitement verni, les perles vont glisser, le résultat sera faux et c’est très décourageant pour l’enfant. Même si on ne vérifie pas toujours le résultat et je suis bien la dernière à demander de faire une vérification. Mais ils ont quand même parfois besoin de voir si c’est juste. Si c’est faux parce que le matériel n’a pas aidé, il y a un problème.

A-L : Pour expliquer pour ceux qui ne connaissent pas le damier de la multiplication chaque case suivant la case dans laquelle on va poser la barrette de perles, va représenter une quantité différente. Donc, si elle est dans une case, notre barrette de 9 va peut-être représenter 9 unités ou peut-être 9 dizaines si elle roule sur la case d’à côté.

C : Donc, ça change le résultat. J’ai fait ce choix d’avoir de grandes cases, recouvertes de feutrine, pour que le travail soit facilité pour l’enfant. Le but, c’est qu’il arrive lui-même à le faire. Et c’est très casse-pieds à expédier ! Parce que du coup, c’est très grand. Aujourd’hui, ils vérifient scrupuleusement la taille des colis. 

Un temps j’ai proposé les grandes barres rouges et bleues. Aujourd’hui, je ne pourrais plus. Parce que je ne pourrais plus les expédier. Il faut une caisse qui fasse au moins un mètre, et si l’on veut caler quelque chose qui fait un mètre, il faut un emballage un peu plus grand, et les transporteurs ne veulent plus. 

Il y a un deuxième damier qu’on appelle le damier des décimaux et qui sert plus tard.

Pour lui, j’ai fait une concession à l’expédition, les cases sont un peu plus petites. Il a de la feutrine pour que les perles ne glissent pas trop. Mais les cases sont un peu moins grandes. La barrette elle tient moins largement. Ce matériel sert plus tard, quand les enfants sont plus grands, plus précis.

A-L : On n’imagine pas, en plus des contraintes pédagogiques, les contraintes de fabrication et d’expédition !

C’était une caractéristique majeure du matériel : sur quoi est-ce qu’on peut transiger et sur quoi il faut rester absolument fidèle ? mais pour ça il faut se former.

C : C’est amusant parce qu’il y a un matériel que j’avais travaillé avec au départ, avec tous les gens qui ont été formés à la Source, c’est le serpent de l’addition. C’est un matériel qui sert à travailler le complément à 10.  10 barrettes de chaque. Donc 10 unités 10 barrettes de 2, 10 barrettes de 3, etc. Et 10 barrettes de 10. ​

Moi, j’avais appris que chaque quantité était bien rangée dans sa case et Juliette m’a demandé de faire une boîte où tout est mélangé et, en plus, où tout peut se compter. 

A-L : Avec le serpent de l’addition, au fur et à mesure on compte les perles et on remplace les barrettes de couleur par des barrettes de 10. C’est évident qu’en ayant 10 barrettes de 9, plus 10 barrettes de 8, plus 10 barrettes de 7, on a besoin de beaucoup plus que 10 barrettes de 10.

C : Juliette, en voyant les enfants utiliser ce matériel, a observé qu’au départ, ils font les serpents qu’on leur propose, et après ils les font eux-mêmes. Mais un jour, ils renversent la boîte et disent : « Combien y a-t-il de perles dans ce serpent ? » Elle m’a demandé de faire un matériel où on peut tout compter. Je crois qu’il y a quatre de chaque. Et puis il y a assez de 10 pour arriver au total de ce serpent.

Le matériel Montessori n’est pas forcément figé dans le marbre, si on arrive à ce genre d’observation, c’est intéressant aussi.

Serpent de l'addition Montessori fabriqué en France

A-L : C’est que ça part de l’observation des enfants. C’est exactement le processus de Maria Montessori. J’observe et je vois ce que les enfants font, et ensuite je m’adapte. On a toujours eu dans la pédagogie Montessori ce qu’on appelle les extensions. Il y a un matériel Montessori, il y a une première présentation et puis il y a des extensions, par exemple le fait de réunir la tour rose et l’escalier marron. C’est extrêmement intéressant d’être partie justement de ce qu’elle avait observé des enfants. C’est très chouette. 

Je sais que tu as aussi développé toute une gamme pour le Nido. Comment est-ce que tu as travaillé pour ça ? Je sais que tu as travaillé avec deux formatrices.

C : C’est Juliette Danjon-Vallon qui a décidé de proposer la formation en 0/3 ans. Elle faisait déjà le 3-6, peut-être un peu en 6-12, je ne veux pas dire de bêtise. Elle a voulu faire le Nido. Pour le Nido, elle ne trouvait pas le matériel.

C’était un sacré défi, parce qu’il y a des tas de choses avec des tiroirs. Quand on se met devant l’ordinateur et qu’on dessine les matériels, c’est compliqué.

A-L : Donc, il faut voir en relief, il faut envisager comment faire, par exemple, la boîte à imbucare (c’est le nom italien des emboîtements).

C : Elle voulait que la boîte soit polyvalente, c’est à dire qu’elle puisse servir pour la boule, le cube, le pavé, le pavé triangulaire et le cylindre. Réfléchir pour faire en sorte que la languette puisse se changer. Sur celle que je connais, c’est posé au dessus. Pour l’avoir utilisée avec ma fille, j’ai trouvé que ce n’était pas du tout pratique. On avait dû mettre du scotch.

A-L : Oui, même chose, c’est rigolo, c’est du matériel qu’on trouvait chez Oxybul ou Nature et Découverte. C’est là qu’on se dit ça n’a pas été testé avec des Montessoriens. Un Montessorien aurait tout de suite vu le problème. Moi, je mettais aussi du scotch. Pour un enfant de moins de 3 ans ce n’est pas commode. C’est là qu’on voit que même les grandes entreprises, Oxybul, Nature et Découverte, je ne sais pas combien d’employés ils ont, mais ils n’ont pas réussi à consulter un vrai montessorien pour se poser ces questions-là.

C : J’ai fait une version avec la languette qui se glisse par-dessous. Je pense qu’il faudra mettre de la pâte à fix ou quelque chose pour maintenir. Mais l’avantage, c’est qu’on a une seule boîte pour toutes les formes à introduire.

A-L : Oui, puis, les enfants ne vont pas tellement tirer. C’est subtil quand même de tirer quand c’est glissé en-dessous, ce n’est pas comme quand c’est juste posé dessus.

C : On a dessiné tous ces modèles avec mon mari l’année dernière. On les a testés, je les ai montés, et je voulais avoir le regard de quelqu’un d’autre, parce que j’aime bien, pour du matériel Montessori très spécifique comme ça, avoir deux regards. On s’est donné rendez-vous avec Juliette et j’ai invité Claire de Gérard, qui, elle aussi, fait des formations pour des tout petits. Pour discuter ensemble du matériel et des modifications qu’elles voulaient que je fasse. Moi, j’ai mes contraintes, mais à l’usage, il y a d’autres contraintes et c’était important d’avoir un regard extérieur. 

Boîte permanence de l'objet matériel montessori à faire soi-même

A-L : C’est là où plusieurs cerveaux valent mieux qu’un, parce que des fois on ne voit pas certaines choses qu’un d’autre va voir. Être deux, c’est extrêmement précieux.

C : Elles ont apprécié de se rencontrer, parce que c’est vrai que les formateurs se rencontrent rarement. Et je suis une des seules à être ce point de jonction.

A-L : On va faire le lien parce que tout le monde y trouve son intérêt. C’est-à-dire que quand on peut recommander un site de matériel où on sait que le matériel va respecter les critères que nous, formateurs, on défend, une certaine qualité de matériel, forcément on est gagnant aussi.

Et puis c’est vrai qu’il y a quelques groupes Facebook où les formateurs peuvent un peu discuter, se retrouver, mais on en a peu l’occasion, je confirme, c’est dommage.

Et alors, comment vois-tu l’évolution du public qui pratique la pédagogie Montessori ?

Qui est-ce que qui, aujourd’hui, s’intéresse et se forme à cette pédagogie, et pourquoi ?

C : Ma clientèle, c’était surtout l’école à la maison. Comme l’école à la maison est presque interdite dans les faits, j’ai beaucoup moins de travail. J’ai des enseignants. Tout à l’heure, j’étais en lien avec une autre formatrice qui forme les enseignants des écoles privées qui sont en poste.

A-L : Oui, les formations continuent.

C : Elle avait l’air de dire qu’elle avait beaucoup de demandes. Je pense que c’est les enseignants, aujourd’hui surtout. Mais une fois qu’on a son matériel Montessori, acheté ou qu’on a pu faire soi-même, on n’a plus besoin de le changer. Ça dure longtemps, tant mieux. Heureusement que mes clientes du début, elles ne sont pas obligées de changer leur matériel au bout de dix ans.

A-L : Oui, mon matériel, il a plus de dix ans Effectivement, je ne l’ai jamais renouvelé.

C : J’ai des enseignants qui ont utilisé mon matériel depuis dix ans et il ne bouge pas. 

A-L : Et puis on revient à la tour rose. Un cube en hêtre, il ne s’abîme pas de la même façon qu’un cube, je ne sais même pas en quoi ils peuvent être faits les autres, mais qui, effectivement, marque tout de suite dès qu’il y a un choc et qu’il va falloir remplacer assez rapidement.

C : Alors je vais parler contre moi. Mais quand on voit les photos de Maria Montessori avec ses cubes de la tour rose, franchement, leurs angles, les coins, ils sont bien usés, hein ?

A-L : Oui aussi, mais ils ne sont pas marqués. Un cube en hêtre, on peut toujours repasser un petit coup de peinture.

C : Si c’est toi-même qui as fait ta peinture, tu le peins, et puis, s’il y a un accro à réparer, ce sera la même peinture. Mais si ce n’était pas toi qui l’avais peint, tu es obligé de tout reprendre.

A-L : Et c’est pas rigolo, surtout les grands cubes. 

Je sais aussi que tu proposes un peu de matériel pour la catéchèse du Bon Pasteur, qui est aussi issue de la pédagogie Montessori.

A-L : Est-ce que c’est quelque chose que tu vois se développer en France ?

C : Alors, je sais que c’est très difficile. Moi j’ai juste trois puzzles qui correspondent au Bon Berger.

A-L : Les portes chasubles aussi, il me semble.

C : C’était du matériel que je voulais avoir pour moi, alors je l’ai fait. Après, on en a parlé avec la personne qui a ouvert le Marché du Bon Berger, qui se trouve être un ami. Étant donné que je n’étais pas formée, je n’ai pas poursuivi. Moi, c’était vraiment les enfants et l’enseignement de Montessori de base. Ça m’intéressait moins le catéchisme, alors que j’ai fait des années de catéchisme, mais je ne me suis pas sentie catéchiste dans l’âme. Ce que j’aime vraiment, c’est faire du soutien scolaire et avec la méthode Montessori.

Je trouve que c’est très bien que Vincent ait son travail avec le Marché du Bon Berger et que moi, je reste de mon côté en n’empiétant pas sur son domaine. J’en resterai là. J’ai fait la carte de Palestine, enfin la Terre Sainte. J’ai fait deux puzzles avec le cycle du temps, que je trouve très parlants et pour lesquels j’ai fait faire les dessins. Le porte-chasuble, parce que je voulais apprendre à ma fille les couleurs liturgiques et je me suis arrêtée là.

Porte chasuble de la méthode du bon berger à faire soi-même

A-L : C’est formidable, justement, de travailler en bonne intelligence dans l’écosystème montessorien, sans être en rivalité, chacun dans son domaine. Et ça n’empêche pas d’avoir de bonnes relations.

C : Oui, Vincent, il a été formé à la catéchèse du Bon Berger. Donc, quand il fabrique le matériel du Bon Berger, il sait ce qu’il fait.

A-L : Donc, c’est ça qui est important. Je vais finir un peu là-dessus. Il y a trois choses que j’aime beaucoup dans la boutique 123Montessori. La première chose, c’est quand même beaucoup plus éthique que de faire venir son matériel de l’autre bout du monde. La deuxième chose, c’est que j’apprécie vraiment beaucoup l’ouverture et le sérieux pédagogique dont tu fais preuve. Et puis la troisième chose, c’est qu’on trouve du matériel pour tous les âges, du Nido aux adolescents, y compris du matériel plus rare, comme les puzzles des biomes, que je n’ai trouvés nulle part ailleurs, sur des sites français en tout cas, à l’époque où je les ai commandés. Et c’est vrai que c’est formidable d’avoir comme ça une boutique avec tout ça réuni au même endroit. 

Je suis un peu curieuse, pour finir, quelle est la commande la plus étonnante que tu as pu recevoir?

C : C’est pas une commande, mais un client, je crois qu’il s’appelait Alain. C’est un enseignant qui m’a passé une grosse commande, et puis encore plusieurs commandes sur un mois et demi ou deux mois. À l’époque, on travaillait avec ma fille et elle disait « Ah, il y a encore une commande de Alain aujourd’hui ». Au bout d’un moment, j’ai fini par le contacter en lui disant « Alain, vous avez commandé toute la boutique ». J’ai été très touchée parce que cet homme était enseignant. Il s’était formé à la pédagogie Montessori. Je crois qu’il travaillait dans une école publique. Il a fait des économies, mais beaucoup d’économies, parce qu’il a acheté tout le matériel pour le faire lui-même.

Ça demande un travail de dingue. C’est lui qui a acheté son matériel. Souvent, c’est les mairies qui payent. Il a fabriqué son matériel lui-même pour pouvoir proposer Montessori dans son école, alors qu’il est le seul à pratiquer cette pédagogie dans son école. Ce n’est pas une commande étonnante, mais c’était une belle rencontre parce que, du coup, on a eu quelques échanges et j’ai été vraiment touchée qu’il choisisse ma boutique pour équiper sa classe.

A-L : Même si on ne devrait pas attendre ça des enseignants, quand il y a des enseignants qui font preuve d’un tel dévouement, effectivement c’est touchant, vraiment touchant. Merci d’avoir partagé ça, parce que ça va éclairer ma journée.

Avant de clore, est-ce qu’il y a quelque chose que tu voudrais mentionner avant qu’on se quitte ?

C : Je crois qu’on a vraiment beaucoup parlé de mon histoire. Mais quand j’expédie mes commandes, il y a un petit message, je le répète à chaque fois, je mets le numéro de suivi, et je demande si c’est possible, de m’envoyer des photos du matériel terminé, parce que j’aime bien voir le matériel en situation avec des enfants.

Étonnamment, au début d’123Montessori, je recevais souvent des photos. Maintenant, je n’en reçois plus du tout. Alors, je suis un peu triste, j’espère que mon matériel sert, parce que ça ne sert à rien de l’acheter si on ne le monte pas.

A-L : Alors, petit message à tous ceux qui, et moi la première, tous ceux qui ont du matériel Montessori et qui peuvent envoyer des photos.

C : Pour me contacter, c’est contact@123Montessori.frJe ne veux pas me substituer à un formateur, mais ça m’arrive d’avoir des questions de la part des clients qui voudraient savoir, pour la multiplication, quel matériel je recommanderais. Ça, c’est une question type, mais il peut y en avoir d’autres. Je veux bien répondre. Je n’enverrai pas une fiche avec une présentation type. Parce que je pense que ça, c’est les formateurs qui le font. Mais je veux bien aider à choisir, prendre le temps d’un coup de fil si c’est nécessaire. On prend un rendez-vous téléphonique parce que je ne suis pas toujours libre. Ça me plaît aussi de rencontrer mes clients de cette manière-là.

A-L : Je pense que pour les fan de jeux de société et il n’y a rien de mieux que d’aller en boutique se faire conseiller, parce que les gens sont passionnés ils connaissent leur métier. Tu n’empiètes pas sur les formateurs. Pas d’inquiétude. 

Où est-ce que les gens peuvent en savoir plus sur ton travail ? Est-ce que c’est sur le site 123montessori.fr ?

C : Oui, sur 123montessori.fr, vous avez déjà toute ma gamme disponible. Comme on ne l’a pas fait d’un seul coup, il y a eu beaucoup d’ajouts petit à petit. N’hésitez pas à fouiller, parce qu’il y a énormément de choses et on n’imagine pas tout ce qu’il y a.  Si vous voulez me contacter, pas de souci, je suis ravie de répondre à tout.

A-L : Formidable. Merci beaucoup, Christèle, pour cet épisode du podcast et la vidéo YouTube. 

C : Merci, Anne-Laure, merci à toi.

A-L : Peut-être qu’on refera un jour un échange comme celui-là, parce que je vois que tu as plein de choses à nous partager autour du matériel Montessori et des choses passionnantes. 

Anne Laure a fait PLEIN de podcast passionnants… vous pouvez les retrouver sur son site ou la page dédiée… En cliquant sur cette phrase…

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